Eloge des enclos paroissiaux

Publié le par TSF36

Non, les enclos paroissiaux ne sont pas, ainsi que je le croyais naguère, des pâturages collectifs où les habitants de la paroisse viennent faire paître leurs chèvres ou leurs moutons.

Ce sont en fait des ensembles architecturaux religieux spécifiquement bretons regroupant dans leurs murs une église, un calvaire et un ossuaire. C’est donc un espace clos mais accessible par une porte triomphale richement ornementée. C’est le lieu où le monde des morts rejoint celui des vivants. On en voit surtout dans le nord du Finistère et trois des plus beaux sont regroupés près de Morlaix : ce sont Saint Thégonnec, Guimiliau et Lampaul Guimiliau. Ce sont les trois incontournables à ne manquer à aucun prix.

Ces architectures uniques en leur genre datent du XVI ème et du XVII ème siècle, c’est à dire la période de grande prospérité bretonne. Certes la foi chrétienne était bien ancrée en Bretagne, mais elle n’aurait pas suffi pour construire ces merveilles s’il n’y avait eu des personnages très fortunés pour les financer.

Les calvaires sont de véritables représentations à grand spectacle avec des personnages principaux, des seconds rôles et des centaines de figurants sculptés dans le granit. Celui de Guimiliau en compte deux cent. Certains (les méchants) ont des traits caricaturaux voire grotesques. D’autres sont plus réalistes avec des visages très expressifs et émouvants. Il est amusant de constater que ces personnages de la Bible sont vêtus à la mode bretonne du XVII ème siècle. En tout cas, chapeau aux sculpteurs, car le granit, même celui de Kersanton, c’est nettement plus dur que le tuffeau de Touraine !

L’autre motif d’émerveillement est la décoration intérieure des églises. Avec leurs plafonds carénés, leurs vitraux, leurs poutres à têtes de dragons ornées de sculptures polychromes, avec leurs retables dorés à colonnes torsadées encadrant des personnages par centaines, avec leurs angelots joufflus soufflant dans des trompettes, avec les statues en bois peint de tous les saints bretons, avec leurs baptistères et leurs chaires et leurs buffets d’orgues à l’ornementation exubérante, ces églises n’ont rien de commun avec celles du centre de la France. Ici on est loin de la sobriété romane ou gothique ;  on est même aux antipodes des temples Zen : on est dans le pur baroque flamboyant, dans l’ornementation poussée à l’extrême. Il faudrait passer des journées entières pour détailler toutes les histoires gravées dans le bois et dans la pierre. Il y a de la lecture, même pour ceux qui ne savent pas lire !

Le foisonnement ornemental rejoint ici le foisonnement de la religion catholique qui est, comme chacun sait, une religion polythéiste avec sa trinité, ses anges, ses archanges, et tous ses saints, dont les saints bretons forment le gros du peloton. Et sans parler des créatures infernales et autres démons qui forment l’équipe adverse !

Mais ici, le plus mécréant des touristes ressent un profond respect pour une religion qui a, plus que toute autre, suscité une telle création artistique. 

Chose étonnante, cette tournée des enclos paroissiaux n’engendre aucune tristesse, car la contemplation des œuvres d’art est toujours source de bonheur. Et même si ce modeste diaporama se termine sur la devise « memento mori » gravée à l’entrée de l’ossuaire de Lampaul-Guimiliau, elle n’exclut pas le « carpe diem » qui en est le corollaire…


 

 

  

Publié dans Pays lointains

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S
<br /> Chapeau (rond), Yann-Lukaz !<br />
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D
<br /> Splendide ! Tant le texte que la video ! MERCI !<br />
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