Retourner après 42 ans dans une ville qu’on a jadis connue est une expérience étrange. Elle n’a plus rien de familier. Les noms des rues ne disent plus rien. Aucun repère pour naviguer. Il faut réapprendre la géographie urbaine.
Et pourtant, entre les années 1970 et maintenant, la ville n’a guère changé : aucun quartier ancien n’a été saccagé, aucun hideux building n’a défiguré le paysage urbain, aucune autoroute n’a coupé la ville en deux, aucun espace vert n’a été bétonné. Baden-Baden, petite ville d’eau, semble offrir depuis des siècles le même décor immuable d’un luxe paisible.
Ce qui a changé, c’est évidemment le regard de l’observateur. En effet, qu’y a-t-il de commun entre le bidasse Isidore Ledoux qui traînait son ennui en ville en attendant impatiemment la Quille et l’actuel Isidore Ledoux, touriste émerveillé par la beauté des choses ? Vraiment rien, sinon peut-être l’état civil, et encore j’en doute. L’Oos, petite rivière qui traverse la ville a continué à couler inexorablement et le grand fleuve du temps en a fait autant, emportant les vagues souvenirs d’une époque révolue.
Et le présent éloge est donc semblable aux éloges des lieux où je n’ai jamais mis les pieds et que je découvre avec un émerveillement naïf (et un réflex numérique)
Baden-Baden fait un peu penser à Vichy. Normal, me direz-vous, c’est une ville d’eau, comme son nom l’indique doublement, et toutes les villes d’eau ont en commun d’avoir des établissements thermaux, des hôtels cossus, un théâtre, un casino, des boutiques de luxe, des rues impeccables, des espaces verts à profusion et une ambiance « Belle Epoque » qui a résisté à notre désolante modernitude.
Ici, le printemps est peut-être la plus belle saison quand les marronniers sont en fleurs, quand les magnolias, azalées, rhododendrons, cytises et glycines étalent leur splendeur polychrome sur fond vert tendre.
La Lichtentaler Allée, longue allée piétonnière qui longe la rivière Oos est un lieu magique, avec ses petits ponts blancs et la vue sur les somptueux hôtels que même les pauvres peuvent contempler gratuitement. A l’arrière plan se dresse le Mont Merkur, la montagne locale et les sommets arrondis de la Forêt Noire qui est bien verte.
L’autre lieu sublime, c’est les jardins escarpés près de la Trinkhalle, avec sa petite cascade et ses escaliers, où il y a une incroyable profusion de rhododendrons multicolores et en prime une vue panoramique sur la petite ville surmontée de son église rose.
Dans la ville, la plupart des rues du centre sont piétonnes et on peut donc y déambuler sans crainte, le nez en l’air afin d’admirer les belles façades bien restaurées.
Enfin, on peut aussi se restaurer soi-même dans une taverne bavaroise typique, dans un décor assez kitsch avec serveurs en costume bavarois (shorts en cuir et gilets bleus !). Pas de haute gastronomie, mais des plats typiques et roboratifs, comme on doit s’y attendre en Allemagne. D’ailleurs Eugène Lemaigre, qui m’accompagne toujours, a beaucoup apprécié la petite collation germanique !
C’est donc avec un délicieux Apfelstrudel que se termine cette petite incursion chez les Germains …