A quoi bon faire l’éloge de Salers, un des plus beaux villages de France, sur lequel tout a été dit et redit ?
C’est un village touristique, certes, mais sans excès. On ne risque pas d’y être piétiné par des hordes de Nippons bardés de Nikons. On peut déambuler tranquillement dans les ruelles le nez en l’air sans risque majeur. Il y a même un parking gratuit pour ceux qui arrivent tôt. Les autres devront payer leur obole, mais c’est pour une bonne cause : l’entretien du village, dont l’unique ressource est le tourisme pendant 6 mois de l’année seulement. Pendant la période hivernale, Salers est un village fantôme où les quelques centaines de locaux ne voient pas l’ombre d’un touriste.
Contrairement à ce que pensent la plupart des gens, Salers n’est pas un village médiéval. Bien que s’étant à l’origine développé autour d’une forteresse médiévale, il ne reste rien de cette période et toutes les constructions qu’on peut y voir datent de la Renaissance. Certes cela ne ressemble pas au style Renaissance des Châteaux de la Loire car ici c’est de la pierre volcanique noire ou grise et pas du tuffeau comme en Touraine. Mais c’est bien une architecture typique des XV ème et XVI ème siècles merveilleusement préservée et entretenue. Une mention spéciale pour l’église, récemment restaurée qui abrite de superbes œuvres d’art dont une admirable « mise au tombeau » aux personnages si expressifs.
On peut se contenter de flâner dans les ruelles étroites et d’admirer, mais il est beaucoup plus judicieux de suivre la visite guidée qui permet de comprendre vraiment ce qu’on voit et de repartir le soir moins bête que le matin.
A propos de bêtes, signalons que la renommée mondiale de Salers doit beaucoup à la vache éponyme, une belle bête à la robe acajou et aux cornes lyriques, portant généralement une clarine autour du cou et gambadant joyeusement dans les estives, heureuse et fière d’être une viande de qualité exceptionnelle « label rouge ». On trouve d’ailleurs des vaches de Salers en peluche dans toutes les boutiques de souvenirs, certainement fabriquées en Chine par la même usine qui produit les cigognes alsaciennes et les ânes en culotte de Ré. A rapporter impérativement (?) à moins d’opter plus judicieusement pour les carrés de Salers, délicieux biscuits au beurre de vache Salers ou les diverses déclinaisons de breuvages à la gentiane, une saveur typiquement cantalienne. Les gens sobres seront peut-être tentés par l’Auvergnat Cola, autre boisson typique de la région !
Les restaurants ne manquent pas à Salers, par contre c’est du lourd : entre les truffades, saucisses, aligots, bourriols, pountis, choux farcis, tripoux, potées, fromages divers, charcuteries, on reste dans le rustique et le roboratif et une présentation minimaliste.
Un bon point néanmoins pour l’hôtel- restaurant « Le Bailliage », certainement de meilleur du coin, qui, grâce à un louable effort de présentation, parvient à alléger, voire sublimer les spécialités locales : le pounti au pruneaux devient autre chose qu’un étouffe-chrétien et la tarte aux myrtilles accompagnée de glace à la gentiane atteint des sommets !
Ah ! une dernière chose avant de quitter Salers. Sur la route qui mène au Puy Mary, un arrêt prolongé s’impose aux « Burons de Salers », musée de la buronnerie, du fromage et de la gentiane. La visite guidée par le Maître des lieux, personnage haut en couleurs, intarissable et authentique passionné est quasiment obligatoire. Pour un prix d’entrée modique, on bénéficie d’un (long) cours magistral mais toujours passionnant sur la géographie, l’histoire, l’architecture, l’élevage, la fabrication du fromage, la cueillette de la gentiane, la fabrication des apéritifs. On a même droit à quelques dégustations et le droit d’acheter des produits locaux.
Au cas où on se sentirait un peu lourd en quittant Salers, il est vivement conseillé de se diriger vers le Puy Mary et de se préparer à la périlleuse ascension. Idéal pour compenser les excès et se sentir tout léger ! Mais ceci fera l'objet d'un autre chapitre … (à suivre)