Chapeau à Erik Satie
Erik Satie n'a jamais été aussi populaire qu'en ce début de XXI ème siècle , pas toujours pour les bonnes raisons, mais ce n'est qu'une juste revanche posthume. Quand on pense qu'il est mort en 1925 dans la solitude et la pauvreté. La vie est bien injuste avec les artistes ...
Les critiques musicaux ont aussi été bien injustes à son égard. Il suffit de relire les pages que Lucien Rebatet a consacrées à Satie en 1969 : "Ce que l'on peut à la rigueur goûter chez lui, mais à doses homéopathiques, c'est la mélancolie des petites mélodies frileuses, trébuchantes, se souvenant parfois des vieux modes liturgiques et populaires, où s'exprimait la tristesse véridique du vieux birbe décheux qui, après les ronds de jambe chez quelque dame du monde écervelée et les hâbleries dans les cafés, regagnait seul son lugubre gourbi d'Arcueil." Lucien Rebatet, qui avait d'ailleurs commis des erreurs beaucoup plus graves dans sa vie, montre ici qu'il n'avait strictement rien compris à Erik Satie. On peut à la rigueur goûter chez Rebatet, mais à doses homéopathiques, son art de la méchanceté très stylé, mais ses jugements musicaux ne tiennent plus la route !
D'autres, tels Jean Cocteau, sont tombés dans l'excès inverse en sacrant Satie comme le pape de la musique moderne. Plus près de nous, des musiciens comme Brian Eno ont fait de lui le précurseur de la musique "ambiante" sous prétexte qu'il avait (par dérision) prôné le concept de "musique d'ameublement". Et les compositeurs américains de musique dite répétitive n'ont pas manqué de saluer en lui un précurseur, à cause de la pièce nommée "Vexations", composée de quelques mesures seulement, sur la partition de laquelle il avait mentionné "A répéter 840 fois". Simple boutade du vieux farceur que John Cage, l'auteur de 4' 33" a voulu prendre au pied de la lettre en faisant exécuter pour la première fois cette oeuvre dans sa version intégrale !
En 2009 il est temps d'accorder à Satie sa juste place. Certes il n'avait pas le génie de son ami Debussy. Il n'aurait jamais pu composer des oeuvres aussi ambitieuses que "La Mer" ou "Pelleas" . Il n'a pas non plus été le précurseur de quoi que ce soit. Il s'est borné à écrire du Satie, ce qui n'est pas si mal !
Il s'est limité le plus souvent à de minuscules pièces de piano dépassant rarement les 4 minutes. Mais des miniatures qui, pour certaines, resteront au firmament de la musique.
Le grand malentendu au sujet de Satie est de n'avoir voulu voir en lui que l' humoriste qui affublait ses compositions de titres saugrenus : Véritables préludes flasques pour un chien, Embryons desséchés, Morceaux en forme de poire et écrivait sur ses partitions des indications du style "à jouer comme un rossignol qui a mal aux dents" ! Toutes ces pitreries ne servaient qu'à dissimuler une nature profondément sensible. Il s'était ainsi constitué une armure d'autodérision le mettant à l'abri de tout., du moins le croyait-il.
Voici comment il se présentait lui-même au violoniste Paul Viardot dans une lesttre restée mémorable :
Cher Monsieur,
Merci pour Votre lettre.
Voici quelques renseignements:
"Eric Satie - dit Erik Satie - né à Honfleur (Calvados) le 17 mai 1866.
Fit de très mauvaises études au Conservatoire de Paris. Sur le tard, élève de MM. Albert Roussel & Vincent d'Indy. Se signala en 1892 par des œuvres absolument incohérentes: "Sarabandes"; "Gymnopédies" (orchestrées par Claude Debussy); Préludes du "Fils des Étoiles" (orchestrés par Maurice Ravel), etc.
Il écrivit aussi des fantaisies d'une rare stupidité: "Véritables Préludes Flasques" que Ricardo Viñes fit bisser à la Société nationale: puis, les "Embryons Desséchés" que Jane Mortier fit également bisser à l'un de ses concerts.
Monsieur Erik Satie passe, à juste titre, pour un prétentieux crétin.
Sa musique n'a aucun sens & provoque le rire & le haussement d'épaules.
Agréez, cher Monsieur, les amitiés de
Erik Satie, Arcueil, Seine
Voilà qui coupait court à toute critique !
Il est vrai que dans ses nombreuses minuscules compositions, tout n'est pas de qualité égale. Certaines relèvent du simple gag musical, comme l' Embryon desséché N°2 contenant un citation de Chopin qu'il atribue ironiquement à Schubert ! D'autres sont simplement agréables à déguster, comme les fameux 3 morceaux en forme de poire qui sont d'ailleurs au nombre de 7 ! Mais il en est certaines derrière lesquelles le masque du clown triste tombe enfin et où on perçoit une profonde sensibilité mélancolique. Tel est le cas des sublimes Gymnopédies et des Gnossiennes, ainsi que des Avant-dernières Pensées.
Il s'agit là véritablement de grande musique, malgré la brièveté de la forme.
C'est d'ailleurs sous le titre d'Avant-dernières pensées que le pianiste Alexandre Tharaud et quelques complices ont fait paraître le merveilleux double CD dont l'acquisition est indispensable à tous les fans de Satie et à ceux qui ne sont pas encore fans mais pourraient le devenir. Un luxueux objet en forme de digipack (et non de poire) contenant deux disques de plus d'une heure chacun, accompagnés d'un copieux livret illustré. Le premier disque est consacré à des oeuvres pour piano seul. Le second est consacré au duos : piano à quatre mains et aussi aux chansons. Le coup de génie a été de faire appel à la chanteuse de variétés Juliette plutôt qu'à une voix lyrique ainsi qu'il a déjà été fait. En effet, les chansons de Satie s'apparentent davantage au répertoire de cabaret qu'à la mélodie classique. Et le résultat est étonnant. Il suffit d'écouter la célèbre valse chantée "Je te veux" pour en être convaincu. Un petit bijou !
Bref, si je persiste à dire qu'acheter un CD c'est un petit bonheur retrouvé, acheter un double CD de cette qualité c'est un double bonheur dont on aurait grand tort de se priver, crise ou pas crise !
Les critiques musicaux ont aussi été bien injustes à son égard. Il suffit de relire les pages que Lucien Rebatet a consacrées à Satie en 1969 : "Ce que l'on peut à la rigueur goûter chez lui, mais à doses homéopathiques, c'est la mélancolie des petites mélodies frileuses, trébuchantes, se souvenant parfois des vieux modes liturgiques et populaires, où s'exprimait la tristesse véridique du vieux birbe décheux qui, après les ronds de jambe chez quelque dame du monde écervelée et les hâbleries dans les cafés, regagnait seul son lugubre gourbi d'Arcueil." Lucien Rebatet, qui avait d'ailleurs commis des erreurs beaucoup plus graves dans sa vie, montre ici qu'il n'avait strictement rien compris à Erik Satie. On peut à la rigueur goûter chez Rebatet, mais à doses homéopathiques, son art de la méchanceté très stylé, mais ses jugements musicaux ne tiennent plus la route !
D'autres, tels Jean Cocteau, sont tombés dans l'excès inverse en sacrant Satie comme le pape de la musique moderne. Plus près de nous, des musiciens comme Brian Eno ont fait de lui le précurseur de la musique "ambiante" sous prétexte qu'il avait (par dérision) prôné le concept de "musique d'ameublement". Et les compositeurs américains de musique dite répétitive n'ont pas manqué de saluer en lui un précurseur, à cause de la pièce nommée "Vexations", composée de quelques mesures seulement, sur la partition de laquelle il avait mentionné "A répéter 840 fois". Simple boutade du vieux farceur que John Cage, l'auteur de 4' 33" a voulu prendre au pied de la lettre en faisant exécuter pour la première fois cette oeuvre dans sa version intégrale !
En 2009 il est temps d'accorder à Satie sa juste place. Certes il n'avait pas le génie de son ami Debussy. Il n'aurait jamais pu composer des oeuvres aussi ambitieuses que "La Mer" ou "Pelleas" . Il n'a pas non plus été le précurseur de quoi que ce soit. Il s'est borné à écrire du Satie, ce qui n'est pas si mal !
Il s'est limité le plus souvent à de minuscules pièces de piano dépassant rarement les 4 minutes. Mais des miniatures qui, pour certaines, resteront au firmament de la musique.
Le grand malentendu au sujet de Satie est de n'avoir voulu voir en lui que l' humoriste qui affublait ses compositions de titres saugrenus : Véritables préludes flasques pour un chien, Embryons desséchés, Morceaux en forme de poire et écrivait sur ses partitions des indications du style "à jouer comme un rossignol qui a mal aux dents" ! Toutes ces pitreries ne servaient qu'à dissimuler une nature profondément sensible. Il s'était ainsi constitué une armure d'autodérision le mettant à l'abri de tout., du moins le croyait-il.
Voici comment il se présentait lui-même au violoniste Paul Viardot dans une lesttre restée mémorable :
Cher Monsieur,
Merci pour Votre lettre.
Voici quelques renseignements:
"Eric Satie - dit Erik Satie - né à Honfleur (Calvados) le 17 mai 1866.
Fit de très mauvaises études au Conservatoire de Paris. Sur le tard, élève de MM. Albert Roussel & Vincent d'Indy. Se signala en 1892 par des œuvres absolument incohérentes: "Sarabandes"; "Gymnopédies" (orchestrées par Claude Debussy); Préludes du "Fils des Étoiles" (orchestrés par Maurice Ravel), etc.
Il écrivit aussi des fantaisies d'une rare stupidité: "Véritables Préludes Flasques" que Ricardo Viñes fit bisser à la Société nationale: puis, les "Embryons Desséchés" que Jane Mortier fit également bisser à l'un de ses concerts.
Monsieur Erik Satie passe, à juste titre, pour un prétentieux crétin.
Sa musique n'a aucun sens & provoque le rire & le haussement d'épaules.
Agréez, cher Monsieur, les amitiés de
Erik Satie, Arcueil, Seine
Voilà qui coupait court à toute critique !
Il est vrai que dans ses nombreuses minuscules compositions, tout n'est pas de qualité égale. Certaines relèvent du simple gag musical, comme l' Embryon desséché N°2 contenant un citation de Chopin qu'il atribue ironiquement à Schubert ! D'autres sont simplement agréables à déguster, comme les fameux 3 morceaux en forme de poire qui sont d'ailleurs au nombre de 7 ! Mais il en est certaines derrière lesquelles le masque du clown triste tombe enfin et où on perçoit une profonde sensibilité mélancolique. Tel est le cas des sublimes Gymnopédies et des Gnossiennes, ainsi que des Avant-dernières Pensées.
Il s'agit là véritablement de grande musique, malgré la brièveté de la forme.
C'est d'ailleurs sous le titre d'Avant-dernières pensées que le pianiste Alexandre Tharaud et quelques complices ont fait paraître le merveilleux double CD dont l'acquisition est indispensable à tous les fans de Satie et à ceux qui ne sont pas encore fans mais pourraient le devenir. Un luxueux objet en forme de digipack (et non de poire) contenant deux disques de plus d'une heure chacun, accompagnés d'un copieux livret illustré. Le premier disque est consacré à des oeuvres pour piano seul. Le second est consacré au duos : piano à quatre mains et aussi aux chansons. Le coup de génie a été de faire appel à la chanteuse de variétés Juliette plutôt qu'à une voix lyrique ainsi qu'il a déjà été fait. En effet, les chansons de Satie s'apparentent davantage au répertoire de cabaret qu'à la mélodie classique. Et le résultat est étonnant. Il suffit d'écouter la célèbre valse chantée "Je te veux" pour en être convaincu. Un petit bijou !
Bref, si je persiste à dire qu'acheter un CD c'est un petit bonheur retrouvé, acheter un double CD de cette qualité c'est un double bonheur dont on aurait grand tort de se priver, crise ou pas crise !
Plus de renseignements sur cet album en particulier et sur Satie en général sur le site :
http://www.harmoniamundi.com/satie2009
http://www.harmoniamundi.com/satie2009