Cartes postales du Quercy (6)

Publié le par TSF36

Cinquième station : le fond du gouffre

Le gouffre de Padirac fait évidemment partie des incontournables du Quercy; il bénéficie, à ce titre, de deux étoiles au verdâtre bouquin michelinesque qui, à mon humble avis, aurait bien pû lui en attribuer une troisième. Enfin, ce que j'en dis ...
En septembre, on peut se présenter n'importe quand à la billetterie et, moyennant quelques roupies quercynoises, obtenir le précieux sésame qui permet l'accès immédiat au monde souterrain. On aurait aimé patienter des heures dans d'interminables files d'attente, ce qui aurait justifié le caractère exceptionnel du site, mais non ... on y accède immédiatement comme dans une vulgaire station de métro.
On a seulement l'alternative de descendre par les ascenseurs (en l'occurence des descenseurs) ou par les escaliers. Quand on possède deux jambes en état de marche, il vaut mieux utiliser les escaliers qui permettent de jouir plus longtemps de la descente et de mesurer à sa juste valeur la profondeur du gouffre : 103 mètres au dessous du sol.
Alors, on se dirige vers l'embarcadère de la rivière souterraine où on s'embarque, par groupes de huit,  sur de sinistres gondoles propulsées par de lugubres gondoliers, comme les âmes errantes des défunts que le nocher Charon faisait, sur sa barque, passer vers le royaume des morts dans la mythologie grecque.
Notre Charon, malgré son savoureux accent du Sud-Ouest, nous fait remarquer en croisant une autre barque vide, que ce voyage sera sans retour ... La rivière, dit-il, atteint jusqu'à 4 m de profondeur, et avec une température de 11 degrés, les chances de survie sont quasi-nulles. On atteint le "Lac des Pluies" et on évite de justesse la "Grande Pendeloque", gigantesque stalactite qui dans 2000 ans atteindra la surface de l'eau. On atteint enfin l'autre rive de l'Achéron (ou selon d'autres sources, du Styx) et le quai du débarcadère où nous attend un autre guide au savoureux accent du Sud Ouest et à la voix de stentor. Je suppose que cela fait partie des critères de recrutement des guides de Padirac ; une alsacienne aphone, même experte en géologie, n'aurait aucune chance d'obtenir l'emploi !
Bref, notre guide du royaume des ténèbres (en fait remarquablement éclairées par de savants éclairages electriques) nous fait admirer toutes les merveilles de la Salle des Grands Gours, du Lac Supérieur et de l'immense Salle du Grand Dôme - qui contiendrait la cathédrale Notre Dame de Paris, en rabotant un peu les tours. Le plafond de cette salle immense s'effondrera un jour, donnant naissance à un second gouffre.
A Padirac les concrétions n'ont pas la finesse de Pech Merle et d'autre grottes plus petites, mais on ne peut qu'être impressionné par le côté massif  et grandiose de ces architectures naturelles.
On regagne les barques et on fait la traversée dans l'autre sens. Notre  gondolier, toujours aussi gondolant, nous dit "Vous avez eu de la chance. Il n'y a pas beaucoup de touristes qui en reviennent ".
A Padirac, il n'y a aucune trace de présence humaine, aucune gravure, aucune peinture rupestre , étant donné que l'endroit était inaccessible. Il n'y a pas non plus de vie animale, à part de minuscules crustacés transparents et aveugles, étrange adaptation de la vie à des conditions apparament invivables. La vie végétale se limite à quelques mousses et fougères à la proximité des éclairages artificiels. La présence de l'homo sapiens ne date que de la fin du XIX ème siècle, après que le spéléologue Alfred Martel (le descendant de Charles qui battit les Arabes à Poitiers par 3 à zéro)  eut reconnu le parcours actuellement accessible aux hordes de touristes.
Et c'est ainsi qu'après avoir traversé victorieusement le Styx (ou l'Achéron) dans les deux sens, on prendra, de préférence aux escaliers car on n'est pas maso, l'ascenseur vers la surface, vers la lumière, vers le monde des vivants ...
Encore une fois, on l'aura échappé belle !



P.S. On trouve de nombreuses et superbes  photos de Padirac sur le net. Yaka demander à Gogol !

Publié dans Pays lointains

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M
Bonjour TSF36,<br /> Merci pour ces belles images du Quercy dont je ne connais que le Gouffre de Padirac pour l'avoir visité en 1967,mais il n'a pas dû changer depuis!!Et encore bravo pour vos savoureux commentaires que je lis toujours avec plaisir.Bien amicalement. Michel(un Vosgien passionné aussi par la radio ancienne)
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V
Bonsoir<br /> J'espère que pour descendre dans ce monde étrange et surtout en revenir, la pratique de la lyre quercynoise n'est pas indispensable...<br /> Victor
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